Garantir le droit à l'éducation en temps de crise : Déclaration de l'ICÉA sur l'impact de la Covid-19 sur l'alphabétisation et la formation générale des adultes. (2021)

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Garantir le droit à l'éducation en temps de crise : Déclaration de l'ICÉA sur l'impact de la Covid-19 sur l'alphabétisation et la formation générale des adultes. (2021)

Déclaration de l’ICÉA sur l’impact de la Covid-19 sur l’alphabétisation et la formation générale des adultes. Cette déclaration a été adoptée par le conseil d’administration de l’ICÉA lors de sa séance du 16 mars 2021.

Source : Garantir le droit à l’éducation de base en temps de crise. (fichier PDF), Déclaration de l’ICÉA sur l’impact de la Covid-19 sur l’alphabétisation et la formation générale des adultes, mars 2021.

Dans le but de garantir le droit à l’éducation de base en temps de crise, l’ICÉA propose les recommandations suivantes :

1. Un leadership nécessaire du ministère de l’Éducation

Le ministère de l’Éducation (MÉQ) doit considérer l’alphabétisation et la formation générale des adultes et, plus largement, l'éducation des adultes au même titre que les autres missions de l’école publique. Dans les décisions du ministère, les centres d’éducation des adultes doivent être pleinement reconnus comme des établissements du réseau public, comme le sont les écoles, les polyvalentes, les cégeps et les universités. Cette reconnaissance doit se traduire dans des actions pertinentes. Depuis le début de la crise sanitaire, le peu de préoccupation exprimée par le MÉQ pour l’alphabétisation et la formation générale des adultes a créé un environnement défavorable qui a nui aux efforts des organisations, des établissements ainsi que des adultes en apprentissage. Soutenir les actions des centres d’éducation des adultes et des organismes communautaires d’alphabétisation est attendu de ce leadership que doit exercer le MÉQ.

2. Un plan de gestion de crise sanitaire adapté à l’alphabétisation et la formation générale des adultes

Privées de directives ou devant des directives inadaptées, l’alphabétisation et la formation générale des adultes méritent mieux. L’impact majeur de la crise sanitaire sur les populations peu alphabétisées ou sans diplôme d’études secondaires appelle un plan d’action leur étant destiné. Un tel plan comprendrait les actions suivantes.

  • a) Une préoccupation pour les adultes en apprentissage parmi les plus vulnérables : La crise sanitaire ne doit pas devenir un facteur d’accroissement d’inégalités qui affectent déjà les personnes peu alphabétisées ou sans diplôme d’études secondaires. Soutenir leurs projets de formation de même que répondre aux besoins des différents profils d'adultes en apprentissage parmi les plus vulnérables doivent figurer dans les priorités gouvernementales.
  • b) Des directives et des consignes pertinentes : Proposer des consignes sanitaires tenant compte du contexte de l'alphabétisation en milieu communautaire et de la formation générale des adultes.
  • c) Des communications claires et adaptées : Clarifier la communication des consignes sanitaires et des directives, assurer qu'elles répondent aux réalités de l'alphabétisation et de la formation générale des adultes et les simplifier pour qu'elles soient comprises des populations adultes ayant de faibles compétences en littératie.
  • d) Une administration scolaire proactive : Un leadership proactif de la part de l'administration des centres d'éducation des adultes et des centres de services scolaires devient primordial dans un contexte de crise sanitaire. Il importe de créer un environnement administratif faisant preuve de souplesse pour tenir compte des situations exceptionnelles suscitées par la crise sanitaire. De même, fournir les équipements informatiques pour rendre possible la formation en ligne et répondre aux besoins de formation aux compétences numériques exprimés par le personnel enseignant sont deux obligations capitales.
  • e) Réduire la fracture numérique : En misant fortement sur la formation en ligne, les stratégies de gestion de la crise sanitaire ont accru l'impact de la fracture numérique sur l'accès à l'alphabétisation et la formation générale des adultes et accru les inégalités en éducation des adultes. À cette fin, il conviendra de développer les compétences numériques chez les personnes en apprentissage et celles les formant, de même que de rendre disponibles l'équipement informatique et l'Internet.
  • f) Un accompagnement renforcé et soutenu : Dans le contexte de la crise sanitaire, autant l'accompagnement s'est avéré capital autant les obstacles ont été nombreux pour le mener à bien. Les besoins des adultes éprouvant des difficultés d'apprentissage, vivant dans des situations de précarités économiques ou ne possédant pas les préalables en termes de compétences numériques, d'accès à de l'équipement informatique ou à une connexion Internet haute vitesse constituent des défis à relever pour rendre possible et réussir l'accompagnement. En outre, puisque pour certaines personnes, un accompagnement en présentiel est de mise, il est crucial d’aménager les contraintes sanitaires pour permettre cet accompagnement nécessaire pour le maintien des acquis et la continuité des apprentissages en alphabétisation ou en formation générale des adultes.
  • g) Du matériel scolaire sur support numérique disponible : L’obligation d’offrir en ligne les activités d’apprentissage implique de miser fortement sur de la documentation sur support numérique. Il importe de rendre celle-ci disponible et, le cas échéant, de produire cette documentation. Appeler à la formation en ligne implique de créer les conditions pédagogiques la rendant possible et de veiller à sa qualité.
  • h) Soutenir le personnel (enseignant, professionnel et de soutien) ainsi que les formatrices et les formateurs : Le personnel (enseignant, professionnel et de soutien) ainsi que les formatrices et les formateurs ont porté sur leurs épaules la gestion de la continuité des apprentissages. Le reconnaître est primordial et porter attention à l'impact de la crise chez ces personnes est essentiel dans le présent et le sera tout autant lors de la sortie de la crise. Il est urgent d’écouter ces acteurs clés, leur apporter un soutien et tenir compte de leur condition de travail.
  • i) Un soutien professionnel nécessaire : Les contrecoups de la crise sanitaire ont de profondes répercussions sur l’ensemble des personnes en alphabétisation et en formation générale des adultes. Les adultes en apprentissage vivent des situations de vulnérabilité qui aggravent l’impact de la crise, alors que les personnes les formant ou les accompagnant doivent composer avec des consignes imprécises, l’absence de matériel et d’équipements et le peu de préoccupations accordées par le ministère de l’Éducation aux situations rencontrées. Porter attention à la santé psychologique et physique de l'ensemble des personnels à l'œuvre en alphabétisation et en formation générale des adultes ainsi que celle des personnes en apprentissage est déjà une urgence et le sera pendant plusieurs mois.
  • j) Relancer l’évaluation des apprentissages et la sanction des études : Le transfert en ligne des activités et l’impossibilité d’accéder aux établissements et aux organismes ont interrompu l’évaluation des apprentissages. Cette situation a fait en sorte de suspendre les parcours des étudiantes et des étudiants. Il devient donc nécessaire de proposer des mesures relançant l'évaluation des apprentissages et la sanction des études, dans le but de gérer les retards et les possibles pertes d’acquis accumulés lors de la crise sanitaire.

3. Des conditions à réunir pour une sortie de crise sanitaire réussie

  • a) Un bilan nécessaire : L’émergence soudaine de la crise sanitaire a précipité l’élaboration et la mise en œuvre de plans de contingence. Le prolongement de cette crise, de la première à la seconde vague d’infection, a donné lieu à des ajustements, une amélioration des stratégies et la transformation des pratiques administratives, de travail et d’enseignement. Lors de la période de sortie de cette crise, il importera de faire un bilan des stratégies et des pratiques mises en œuvre pour répondre au contexte exceptionnel de la crise sanitaire afin d'identifier celles qu'il conviendrait de maintenir et celles dont il faudra mettre fin.
  • b) Un passage au numérique à réfléchir : Il ne faut pas s’y méprendre, dans le contexte de la crise sanitaire, la formation en ligne a été un pis-aller, une solution de remplacement. Au sortir de la crise, il faudra éviter des approches de fait accompli en faveur de la formation en ligne et réfléchir à l’ampleur de la place que l’on souhaite lui accorder. Car la crise a révélé au grand jour qu’imposer la formation en ligne accroît les inégalités en éducation des adultes et qu’elle n’est pas une approche pédagogique adaptée à plusieurs adultes en apprentissage pour qui le présentiel est à privilégier. Par ailleurs, miser sur la formation en ligne implique de créer les conditions de son exercice, tant en regard de l’enseignement qu’en ce qui concerne les processus administratifs. Par exemple, pour que la formation en ligne ne soit pas une source d’inégalités, il faut assurer que toutes et tous, adultes en apprentissage et personnel, possèdent les compétences numériques et aient accès à l’équipement et Internet haute vitesse. Sans ces conditions, la formation en ligne ne peut être une option envisagée.
  • c) Un financement favorisant la relance : Il est capital d’analyser les besoins financiers suscités par l'adaptation des services aux contraintes sanitaires et de la répercussion de cette crise sur les besoins financiers dans les années à venir. La période de l’après-crise débouchera sur un chantier de quelques années où rétablissement et transformation se conjugueront. Dans ce contexte, un plan financier de sortie de crise permettra de stabiliser l’alphabétisation et la formation générale des adultes.
  • d) Se préparer pour les prochaines crises : Bien que la crise sanitaire de la Covid-19 soit exceptionnelle, elle nous rappelle que nos sociétés ne sont pas à l’abri d’événements imprévus de grande ampleur. Depuis le début de la crise, des stratégies ont été mises à l’essai. Un bilan de cette crise devra tenir compte du fait qu’il faudra concevoir des plans de gestion de crise. La gestion du risque, sanitaire ou autre, fera désormais partie du monde de l’éducation. De manière particulière, les derniers mois ont fait ressortir l’importance de clarifier les responsabilités des différents acteurs. Par exemple, dans la présente crise, alors que c’est localement que les mesures sont mises en œuvre et peuvent être adaptées à des réalités distinctes, les décisions mur à mur prises à l’échelle ministérielle se sont avérées inadéquates.
  • e) L’éducation des adultes est une condition de la résilience des sociétés et de la sortie de crise : Le rôle des connaissances et des compétences des adultes pour atténuer les effets de la crise en cours n’a pas été reconnu par le gouvernement. La crise a fortement sollicité les connaissances et les compétences des adultes dans plusieurs domaines de la vie quotidienne, comme le numérique, les responsabilités parentales, la santé physique et psychologique, les finances personnelles, l’organisation du travail. Toutes et tous ont été laissés à elles-mêmes et eux-mêmes pour combler des lacunes dans ces différents domaines. Les acquis des adultes demeureront une condition du succès de la sortie de crise et conséquemment le gouvernement devra miser sur l’éducation des adultes.

Pour répondre aux défis auxquels font face les centres d’éducation des adultes et les organismes communautaires d’alphabétisation, il est urgent que des actions soient prises rapidement. Comme le font valoir de nombreuses intervenantes et intervenants de ces secteurs, un coup de barre doit être donné pour que les décisions ministérielles concernant la crise sanitaire répondent à la réalité de l’alphabétisation en milieu communautaire et de la formation générale des adultes.

Indicateurs de l'ICÉA associé à l'alphabétisation

Indicateurs de l'ICÉA associés à la Formation générale des adultes